Histoires de Rome / La Réforme catholique /Saint Philippe Néri

 
 
 Saint Philippe Néri
A la Renaissance, le quartier des banquiers florentins de Rome devient aussi le centre d’une vie intellectuelle intense qui inaugure les problématiques des sciences modernes, histoire, archéologie, etc.
 

Citations :Thomas More
Pape Hadrien VI
L’éducation des jeunes
Lettre de Jean Paul II à propos de Philippe Néri
Vie de saint Philippe Néri
Installation des Oratoriens à St-Jean-des-Florentins
Le Concile de Trente


 
Thomas More
Cité par D. Sargent, Thomas More, trad. M. Rouneau, pp. 361-362

“Je ne suis pas tenu, My lord, de conformer ma conscience au conseil d’un royaume, contre le conseil général de la chrétienté. Car les saints évêques dont j’ai parlé sont plus de cent contre chacun de vos évêques; contre un de vos conseils ou de vos parlements (et Dieu sait ce qu’ils valent), j’ai pour moi tous les conciles réunis depuis mille ans. Et pour ce seul royaume-ci, j’ai tous les royaumes chrétiens du Christ.”
 
Saint Thomas More, dessin d’Holbein
(© Collection particulière)


[ Rome, Italie ]
 


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Pape Hadrien VI
Histoire des Papes et du Vatican, Ed. Del Duca/Laffont

Message du pape Hadrien VI à la Diète de Nuremberg:
“Dieu a permis cette persécution de l’Eglise à cause des péchés de l’humanité, particulièrement ceux des prêtres et des prélats... Nous avons conscience du nombre de vilenies qui ont dégradé le trône de saint Pierre dans le passé... Nous nous sommes tous éloignés du droit chemin, aussi devons-nous tous rendre honneur à Dieu et nous humilier devant lui... Pour notre part, nous promettons que la curie, source possible de tout le mal, sera entièrement renouvelée.”
 
Hadrien VI entrant dans Rome
Tombeau d’Adrien VI
Ste-Marie-dell’anima

[ Rome, Italie ]
 


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L’éducation des jeunes
Extrait de Noële Maurice-Denis, Romée, Desclée De Brouwer, Paris, 1963

“Les doux loisirs, la belle vie! C’est Philippe encore qui enverra ses enfants servir aux hôpitaux ou faire le catéchisme; il saura varier sans fin les austères plaisirs. Près de lui on sent Dieu toujours, et pourtant quelle spontanéité joyeuse! Certes, s’il donne beaucoup de ses convertis aux ordres religieux, surtout aux dominicains, alors en pleine réforme, beaucoup aussi concevront le désir de rester là, près de lui, des jours, à Saint-Jérôme ou dans les rues de Rome.
Il envoya aussi à saint Ignace. “Il disait qu’il était le premier à avoir envoyé des Italiens à la Compagnie.” Saint Ignace le comparait à la cloche qui appelle à l’office et n’y entre pas, car il ne voulut pas se joindre à lui...
C’est pourtant une erreur que de faire de saint Philippe le père de ‘l’oratorio’ au sens musical. Le XVIe siècle ignora ce genre, né au XVIIe, et les chorales de Philippe ne sont que de bien loin l’origine des drames lyriques postérieurs.”
 
Palestre des thermes de Caracalla


[ Rome, Italie ]
 


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Lettre de Jean Paul II à propos de Philippe Néri
A l’occasion du quatrième centenaire de la mort de saint Philippe Néri, Jean-Paul II a adressé la lettre suivante au Père Michael Napier, délégué du Saint-Siège pour l’Oratoire:
“Révérend Père,
A l’occasion du quatrième centenaire du “dies natalis” (littéralement “jour de la naissance”, expression traditionnelle pour désigner la mort de quelqu’un, qui est jour de sa naissance à la vie dans l’au-delà) de saint Philippe Néri, Florentin d’origine et Romain d’adoption, je suis heureux de m’adresser à vous et à tous les membres de l’Oratoire, pour rappeler l’exemple de sainteté du Fondateur et fortifier chez chacun d’entre vous l’activité de votre foi, le labeur de votre charité et la constance de votre espérance (cf. 1 Th 1,3).

1. L’aimable figure du “Saint de la joie” conserve toujours intacte cette irrésistible fascination qu’il a exercée sur tous ceux qui l’ont approché pour apprendre à connaître et faire l’expérience dans leur vie des sources authentiques de la joie chrétienne.
Quand on relit la biographie de saint Philippe, on reste en effet surpris et fasciné par la manière joyeuse et détendue avec laquelle il savait éduquer, se plaçant au côté de chacun avec un partage et une patience fraternels.
Comme on le sait, le Saint avait coutume de rassembler son enseignement dans de brèves et savoureuses maximes: “Soyez bons, si vous le pouvez”; “scrupules et tristesse, pas de ça dans ma maison”; “soyez humbles et soyez bas”; “l’homme qui ne prie pas est un animal sans parole”; et, portant sa main à son front: “la sainteté consiste en un espace de trois doigts”. Derrière la vivacité de ces “dits” et de tant d’autres, il est possible de percevoir la connaissance aiguë et réaliste qu’il avait acquise de la nature humaine et de la dynamique de la grâce. Par ces enseignements rapides et concis, il traduisait l’expérience de sa longue vie et la sagesse d’un coeur habité par l’Esprit Saint. Désormais, ces aphorismes sont devenus, pour la spiritualité chrétienne, une sorte de patrimoine de sagesse.

2. Saint Philippe se présente dans le cadre de la Renaissance romaine comme “le prophète de la joie”, qui a su marcher à la suite de Jésus tout en s’insérant activement dans la société de son temps, par bien des aspects singulièrement proche de celle d’aujourd’hui.
L’humanisme, tout centré sur l’homme et ses singulières capacités intellectuelles et pratiques, proposait, contre une certaine obscurité médiévale mal comprise, la redécouverte d’une joyeuse fraîcheur naturaliste, immédiate et sans inhibitions. L’homme, présenté presque comme un dieu païen, était ainsi placé dans une position de protagoniste absolu. On avait fait, en outre, une sorte de révision de la loi morale dans le but de rechercher et d’assurer le bonheur.
Ouvert aux requêtes de la société de son temps, saint Philippe n’a pas refusé cette aspiration à la joie, mais il s’est efforcé de lui proposer sa vraie source, qu’il avait découverte dans le message évangélique. C’est la parole du Christ qui dessine l’authentique visage de l’homme, révélant ses traits qui en font un fils aimé du Père, accueilli comme un frère dans le Verbe incarné et sanctifié par l’Esprit Saint.
Ce sont les lois de l’Evangile et les commandements du Christ qui conduisent à la joie et au bonheur: telle est la vérité proclamée par saint Philippe Néri aux jeunes qu’il rencontrait dans son travail apostolique quotidien. Son annonce était dictée par une expérience intime de Dieu, effectuée surtout dans l’oraison. La prière nocturne aux catacombes de Saint-Sébastien, où il se retirait souvent à l’écart, n’était pas seulement une recherche de la solitude mais bien la volonté de s’entretenir avec les témoins de la foi, de les interroger, tout comme les savants de la Renaissance conversaient avec les Classiques de l’antiquité; et de la connaissance venait l’imitation, puis l’émulation.
En saint Philippe, à qui, la veille de la Pentecôte 1544, l’Esprit Saint donna “un coeur de feu”, il est possible d’entrevoir l’allégorie de grandes et divines transformations qu’opère la prière. Un fécond et sûr programme de formation à la joie - enseigne notre Saint - se nourrit, s’appuie sur une palette harmonieuse de choix: la prière assidue, l’Eucharistie fréquente, la redécouverte et la valorisation du sacrement de la Réconciliation, le contact familier et quotidien avec la Parole de Dieu, l’exercice fécond de la charité fraternelle et du service. Puis la dévotion à la Sainte Vierge, modèle et vraie cause de notre joie. A cet égard, comment oublier son avertissement sage et efficace: “Mes petits enfants, soyez des dévots de Marie: je sais ce que je dis! Soyez des dévots de Marie!”

3. Qualifié justement de “saint de la joie”, saint Philippe doit être également reconnu comme “l’apôtre de Rome” et même comme le “réformateur de la Ville éternelle”. Il devint presque par une évolution naturelle et la maturité des choix accomplis sous l’illumination de la grâce. Il fut vraiment la lumière et le sel de Rome, selon la parole de l’Evangile (cf. Mt. 5,13-16). Il sut être “lumière” en cette civilisation certes splendide, mais souvent éclairée seulement par les lumières obliques et rasantes du paganisme. Dans ce contexte social, Philippe demeura respectueux de l’Autorité, entièrement dévoué au dépôt de la Vérité, intrépide dans l’annonce du message chrétien. Il fut ainsi une source de lumière pour tous.
Il ne choisit pas la vie solitaire mais, accomplissant son ministère parmi les gens du peuple, il se proposa d’être aussi “sel” pour tous ceux qui le rencontraient. Comme Jésus, il sut se glisser dans la misère humaine stagnante, aussi bien que dans les palais de la noblesse ou dans les ruelles de la Rome de la Renaissance. Il était tour à tour Cyrénéen et conscience critique, conseiller éclairé et maître souriant.
C’est bien pour cela que ce ne fut pas tant lui qui adopta Rome que Rome qui l’adopta! Il vécut 60 ans dans cette Ville qui ne cessait de se peupler de saints. S’il rencontrait dans les rues l’humanité souffrante pour la réconforter et la soutenir par la charité d’une parole sage et très humaine, il préférait rassembler la jeunesse à l’Oratoire, sa véritable invention. Il en fit un lieu de rencontre joyeuse, une école de formation, un centre de rayonnement de l’art.
Ce fut à l’Oratoire que saint Philippe, tout en cultivant la religiosité dans ses expressions habituelles et nouvelles, s’efforça de réformer et d’élever l’art, le ramenant au service de Dieu et de l’Eglise. Convaincu comme il l’était que le beau mène au bien, il fit rentrer dans son dessein éducatif tout ce qui avait une marque artistique. Et il devint lui-même le mécène des diverses expressions artistiques, promouvant des initiatives capables de porter au vrai et au bon.
Incisive et exemplaire fut la contribution que saint Philippe sut donner à la musique sacrée, la poussant à s’élever de divertissement frivole à une oeuvre recréatrice de l’esprit. Ce fut grâce à l’élan qu’il donna que des musiciens et des compositeurs commencèrent une réforme qui atteindra avec Pierluigi de Palestrina son plus haut sommet.

4. Saint Philippe, homme aimable et généreux, saint chaste et humble, apôtre actif et contemplatif, demeure le constant modèle des membres de la Congrégation de l’Oratoire! Il transmet à tous les Oratoriens un programme et un style de vie qui conservent, aujourd’hui encore, une singulière actualité. Ce que l’on appelle le “quadrilatère” - humilité, charité, prière et joie - reste toujours une base très solide sur laquelle on peut appuyer l’édifice intérieur de sa propre vie spirituelle.”

 
Fondation de l’Oratoire


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Vie de saint Philippe Néri
Antonio Gallonio, La vita di San Filippo Neri, Livre deuxième, Livre premier

“Philippe instruisait les confesseurs afin qu’ils n’aillent pas facilement dans les maisons de leurs filles spirituelles, pas plus que chez d’autres femmes, sinon par nécessité et dans ce cas accompagnés, et qu’ils se dépêchent; en ajoutant qu’ils se gardent d’apeurer les pénitents, mais qu’ils leur montrent leur compassion, et s’efforcent avec douceur et amour de les gagner au Christ, en étant compréhensif autant qu’il se pourrait, en s’efforçant de les inciter à l’amour de Dieu, lequel fait advenir de grandes choses, et qu’ils entendent les jeunes, principalement les jeunes filles, au travers d’une grille, afin, que ne voyant pas le confesseur de face, ils puissent leur dire tous leurs péchés.”

“Au début il se rendait à ces lieux saints avec peu de monde soit vingt-cinq ou trente personnes auxquelles, peu après, s’ajoutèrent tant de multitudes qu’elles dépassaient le millier.
Cela se passait en cet ordre: s’unissaient en premier les religieux de tous les ordres, et quiconque voulant venir, était accueilli avec bienveillance: de St-Pierre à St-Paul chacun allait par lui-même comme bon lui semblait; puis tous se ressemblaient dans l’église de St-Paul. Lorsque le bienheureux Philippe faisait signe, ils s’en allaient avec un ordre admirable et en silence, vers St-Sébastien, et sur le chemin deux choeurs chantaient tantôt les litanies, tantôt les Psaumes et tantôt diverses hymnes spirituelles. Les frères marchaient avec tant d’humilité, si correctement et en si tel ordre que c’était fort édifiant à voir.
Dans l’église de St-Sébastien se célébrait souvent la Messe, avec des chants et des instruments de musique, et la foule, qui était nombreuse, communiait ou faisait de même parfois, avec autant de solennité à Santo-Stéfano-Rotondo. La messe terminée, et ayant rendu grâce à Dieu, on se rendait dans quelque lieu aimable, où chacun prenait le peu de nourriture qu’on lui avait donné par charité, la mangeant paisiblement en silence...
C’étaient des provisions, grandes et petites, oeufs, fromage ou quelques fruits avec du pain; comme boisson du vin coupé d’eau; comme table la terre vêtue d’herbe et de fleurs.
La villa où on mangeait le plus souvent en ces débuts, était celle de Virginia Massimi; on alla ensuite parfois à la Crescenzia, et enfin à la Mattea à côté de l’église de Ste-Maria-in-Navicella.
Le déjeuner terminé on prenait le chemin, dans l’ordre prévu, de l’église St-Jean-du-Latran, en chantant sans discontinuer des Psaumes et hymnes spirituels. Ensuite on se rendit à Ste-Croix-de-Jérusalem, et de là à St-Laurent-hors-les-murs et finalement à Ste-Marie-Majeure, où avait lieu un sermon au peuple, comme il était d’usage de le faire dans les autres églises. Puis tous se retrouvaient chez eux heureux, et contents ils louaient Dieu qui leur avait accordé la grâce de passer ce jour sans offenser sa Majesté, de plus avec profit pour leur âme.”

 
Fenêtre de l’appartement de saint Philippe Néri


 


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Installation des Oratoriens à St-Jean-des-Florentins
Extrait de Noële Maurice-Denis, Romée, Desclée De Brouwer, Paris, 1963

“Il les installa à St-Jean et leur donna quelques règles de vie commune. Il allait lui-même les visiter souvent; la longue rue le voyait alors, entouré d’un groupe enthousiaste et bigarré, qui comprenait jusqu’à un chien, Capriccio, dont il ne se séparait pas. Ce chien avait appartenu au cardinal de Santa-Fiora, dont Philippe avait converti le secrétaire. ‘Il ne lui suffit pas des hommes”, disait le cardinal, “il lui faut encore attirer les animaux.’”
 


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Le Concile de Trente
Diarium de Paleotti, Concilium tridentinun, t. III, p. 762

Rien ne symbolise mieux peut-être la grandeur de l’oeuvre réalisée au prix de tant de temps et d’efforts que l’émotion des dernières heures du concile, le 4 décembre 1563.
‘Je ne saurais dire, écrit un témoin, ce que fut la joie spirituelle de tous, leur reconnaissance pour Dieu auteur de ces bienfaits, leur action de grâces. J’ai vu moi-même, en cette même session, de nombreux prélats parmi les plus graves pleurer de joie et se féliciter les uns les autres, eux qui auparavant se traitaient le plus en étrangers. Au moment des acclamations, nouvelles et inattendues pour beaucoup, ce fut une poussée d’admiration, d’applaudissements et de joie. Il n’y avait personne dont le visage, les paroles, tout le corps n’exprimassent une extrême allégresse, dans la louange de Dieu, à qui appartient l’honneur, la force et la gloire dans les siècles des siècles.’”
 


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  Documents associés : 
Lieu : 
St-Jean-des-Florentins
Description de l'image : 
St-Jean-des-Florentins
Histoire : 
Les prémices de la réforme catholique
Une période très troublée
Sens actuel : 
La reconnaissance populaire d’une sainteté dépassant toute convention
Signes de la foi : 
L’expérience spirituelle de saint Philippe Néri
La fondation de la société de l’Oratoire