Terres d'Evangile / Passion /Le repas au Cénacle

 
 
 L’éternelle présence de Dieu
L’importance de cet acte du Christ livrant son corps et son sang pour la multitude est si grande qu’elle traverse le temps. En effet, acceptant de souffrir tous les maux que les hommes s’infligent entre eux, le Christ pardonne toutes les offenses sans vengeance, ni mépris pour ses meurtriers. C’est la première fois que le pardon remplace la vengeance et cet acte se répercute sur tous les temps. En le renouvelant à chaque eucharistie, Jésus invite chaque homme à y répondre personnellement, à suivre le chemin ouvert par lui, pour partager sa victoire sur le mal.
 

Accomplissement des Ecritures :Le renouvellement de l’alliance
Le repas pascal
Le mémorial


 
Le renouvellement de l’alliance
Depuis qu’au jardin du Paradis terrestre Dieu s’est chargé de nourrir Adam et Eve (Genèse 1, 29), il a pourvu aux besoins des hommes quitte à multiplier les miracles en donnant la manne aux Hébreux affamés au désert (Deutéronome 8,15 et Exode 16, 15). Pourtant cette nourriture terrestre n’est que le symbole d’une nourriture beaucoup plus haute que Jésus revendique face au tentateur au début de sa vie publique (Matthieu 4, 1-3). En multipliant les pains pour la foule de ses disciples, le Christ assume les prérogatives de Dieu et c’est pourquoi il prolonge l’enseignement de ce miracle par le long discours sur le pain de vie: “Je suis le pain de vie, descendu du ciel” (Jean 6). Lorsqu’il dit cela aux apôtres, ceux-ci ne le comprennent pas et cependant lui restent fidèles à cause de sa parole: “Seigneur, à qui irions nous? toi seul a les paroles de la vie éternelle.” Si nous avons tant de peine à croire à la présence du Christ sous l’apparence du pain et du vin, c’est bien parce que nous fractionnons l’efficacité de sa parole qui comble le cœur des hommes et le symbole de la nourriture, comme si le don de sa vie et l’accomplissement de sa parole étaient distincts l’un de l’autre. La longue préparation des repas de l’Ancien et du Nouveau Testament nous est nécessaire pour comprendre la densité du rite pascal renouvelé à chaque célébration de la Messe. Dieu a invité les hommes à sa table depuis qu’il est venu voir Abraham à Mambré et c’est pour continuer cette grâce qu’il fait du repas de l’agneau pascal la promesse d’une nouvelle alliance avec son peuple. C’est le sang de l’agneau qui préserve les Hébreux des plaies consécutives à la dureté de Pharaon, mais c’est au pied de la montagne de l’alliance que le peuple mange avec Dieu pour sceller cette alliance.
 


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Le repas pascal
Pendant que se déroulent les rites du repas pascal et l’évocation des différentes intervention de Dieu pour constituer et nourrir son peuple, Jésus fait passer les apôtres d’une lecture historique et même politique à une expérience spirituelle beaucoup plus profonde. Ils ont tous appris, quand ils étaient enfants, que Dieu a envoyé la manne au désert pour nourrir ces nomades affamés (Exode 16,1ss.). Lui-même a multiplié les pains en prenant à son compte la puissance de Dieu (Jn 6, 1-15), mais quelques heures avant de se laisser arrêter, il résume toute sa vie et tout ce qu’il a voulu faire comprendre du mystère de Dieu en assumant dans sa personne le sens du repas rituel: il bénit le pain, il le partage et il dit: “Ceci est mon corps, livré pour vous”, il bénit la coupe et il dit: “Ceci est mon sang répandu pour la multitude. Il porte à son comble le renouvellement de l’alliance du Sinaï et il l’ouvre à la multitude des hommes de bonne volonté en prenant à son compte le sacrifice volontaire de sa vie et en montrant de façon très mystérieuse jusqu’où va l’amour de Dieu pour vaincre les doutes des hommes. Au Paradis terrestre Adam et Eve voulaient se saisir de la nourriture, parce qu’ils soupçonnaient Dieu d’être jaloux de son pouvoir Genèse (3, 1-4). Cette fois Dieu assume l’extrême de la faiblesse et de la mort en la personne du Christ, et à cet instant sont accomplies, c’est à dire pleinement manifestées, toutes les prophéties antérieures. Si Jésus peut affirmer l’identité entre le pain et le vin qu’il vient de consacrer, et lui-même, c’est parce que son pardon sur la croix, quelque heures plus tard, le rend définitivement vainqueur de la jalousie, de la vengeance et de la mort. Et que son corps blessé, torturé, mort, ne peut rester prisonnier de la destruction, et que le même qui partage ce dernier repas le jeudi soir, ressuscitera pour l’éternité le dimanche matin. Ce corps glorifié, libéré de toute pesanteur est bien celui qui est offert pendant la célébration de la fête juive de Pâques et Jésus peut dire à ses disciples: “Faites cela en mémoire de moi.” Voilà pourquoi les Chrétiens reconnaissent dans la réitération de ce repas mémorable, non seulement le sommet de leur prière, mais l’anticipation dès cette terre du festin avec Dieu, de l’intimité totale qu’ils attendent per delà la mort
 
Miracle de la manne
M.Diener, “Berith”


Repas à l’Horeb
M.Diener, “Berith”




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Le mémorial
Cette contraction de la durée de ces récits successifs nous paraît étrange. Comment comprendre que la déréliction de la mise en croix et la joie des apparitions pascales soient déjà présentes dans la nostalgie de ce dernier repas au Cénacle? En fait, Jésus offre le sacrifice du pain et du vin qui rappelle le rite ancien du sacrifice de l’agneau pascal. Pendant le temps de l’exil à Babylone le peuple juif a dû simplifier l’antique solennité et peu à peu le pain et le vin, éléments essentiels du repas ont remplacé validement l’agneau qu’il n’était plus possible d’égorger et de manger avec la parenté. Jésus parle bien à ses disciples de la fête de Pâque qu’il veut célébrer avec eux, il les envoie préparer la salle, mais il ne parle pas du sacrifice de l’agneau, seulement de la bénédiction du pain et de la coupe de vin. Il est bien évident que ces éléments tiennent la place de l’agneau et que lui même se consacrant pour le salut du monde peut employer le pain et le vin pour s’identifier à ces éléments du sacrifice. A l’instant où il dit, en élevant la coupe: “Ceci est mon sang”, il engage toute l’œuvre de Dieu: le salut donné aux hommes par la passion et la résurrection du Christ, dès l’origine et jusqu’à la fin du monde. La farine qui enveloppait l’animal offert en sacrifice incluait déjà la mort de celui-ci, avant que le couteau du prêtre l’ait approché. En effet on dit d’une victime qu’elle est immolée, parce qu’elle a été consacrée par le geste qui l’a enduite de farine, qu’on appelle “mola” en latin. De même le Christ s’immole, en assumant le rôle du pain et du vin offerts, c’est-à-dire qu’il vivra la suite des événements de cette nuit, l’arrestation, le procès, la mise en croix avec une pleine adhésion au dessin de son Père. Pourtant Jésus a précisé la finalité de cette mort: le salut de la multitude. Et ce pardon le fait échapper à toute les forces de la mort. Il est déjà vainqueur de celles-ci. Cette soirée extraordinaire n’est pas une veillée mortuaire, mais elle met déjà en œuvre la puissance de la résurrection, indissociable du pardon accordé sur la croix: “Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font.” (Lc 23,34) Ce n’est plus un peuple qui est constitué par ce repas pour être témoin du Dieu unique parmi les autres, c’est toute l’humanité qui est appelée à être le peuple de Dieu. Et c’est pour cela qu’en même temps que le Christ célèbre un renouvellement fantastique de l’alliance de Dieu avec les hommes, il peut confier aux apôtres de recommencer les gestes de cette soirée: “Faites ceci en mémoire de moi.” “En mémoire” n’implique pas simplement l’évocation du souvenir, mais l’action du Christ à la dernière cène, puisque celle-ci s’étend à tous les âges. En effet non seulement le vendredi saint et le dimanche de Pâques sont contractés en un seul instant à la dernière cène, mais la puissance du ressuscité agit par les prêtres pour toutes les générations. On ne peut donc pas séparer les uns des autres: la purification du lavement des pieds, la consécration du pain et du vin du repas pascal, la mort et la résurrection et le ministère des prêtres qui s’étend jusqu’à la fin du monde. C’est parce qu’il est le Seigneur que le Christ s’est fait serviteur et par là il a sauvé la multitude en une seule action.
 


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  Documents associés : 
Lieu : 
Le Cénacle
Texte de l'Evangile : 
Jean 13, 1-15
Luc 22, 14-27
1 Corinthiens 11, 23-24
Clés de Lecture : 
L’éternelle présence de Dieu
Symboles : 
Le repas
Expérience humaine : 
La mémoire
Citations : 
Augustin (354-430), commentaire sur l’évangile de Jean 56, 5-6
Augustin (354-430), commentaire sur l’évangile de Jean 62
Jean Chrysostome, IVe siècle