Terres d'Evangile / Enfance du Christ /La visitation

 
 
 La joyeuse rencontre de Marie et Elisabeth
La charité ne se limite pas au soulagement des besoins physiques de l’autre, mais elle va jusqu’à lui faire découvrir Dieu et en conséquence sa propre dignité d’enfant de Dieu.
 

Citations :Origène, IIIe siècle
Grégoire le Thaumaturge
Ambroise de Milan, IVe siècle
Martin Luther


 
Origène, IIIe siècle
Commentaire sur l’évangile de Luc 7, 1-4, 6-8, 1-2, 4, 6-7, 9, 1-2

Les meilleurs vont vers les moins bons, pour leur procurer quelque avantage par leur venue. Ainsi, le Sauveur vient près de Jean pour sanctifier son baptême; et dès que Marie eut entendu l’ange lui annoncer qu’elle allait concevoir le Sauveur et que sa cousine Elisabeth était enceinte, elle partit, se rendit en hâte vers le haut pays et entra dans la maison d’Elisabeth. Car Jésus, dans le sein de Marie, se hâtait de sanctifier Jean, encore dans le sein de sa mère. Avant l’arrivée de Marie et son salut, l’enfant n’avait pas tressailli dans le sein de sa mère; mais dès que Marie eut prononcé la parole que le Fils de Dieu, dans son sein maternel, lui avait suggérée, l’enfant tressaillit de joie et, dès lors, de son précurseur, Jésus fit un prophète.
Marie, tout à fait digne d’être mère du Fils de Dieu, devait, après son entretien avec l’ange, gravir la montagne et demeurer sur les sommets. D’où ces mots: En ces jours-là, Marie partit et se rendit en hâte vers le haut pays. Il lui fallait aussi, parce qu’elle était active et pleine de sollicitude, se hâter avec zèle et, remplie de l’Esprit-Saint, être conduite sur les sommets et protégée par la puissance divine, qui l’avait déjà couverte de son ombre. Elle vint donc dans une ville de Juda; elle entra chez Zacharie et salua Elisabeth. Or, dès qu’ Elisabeth eut entendu la salutation de Marie, l’enfant tressaillit dans son sein et Elisabeth fut remplie du Saint-Esprit.
C’est pourquoi il n’est pas douteux que, si Elisabeth fut alors remplie du Saint-Esprit, ce fut à cause de son fils. Car ce n’est pas la mère qui, la première, a mérité le Saint-Esprit; mais lorsque Jean, encore enfermé dans son sein, eut reçu le Saint-Esprit, alors, Elisabeth, après la sanctification de son fils, fut remplie du Saint-Esprit. Tu pourras le croire, si tu as remarqué une chose semblable à propos du Sauveur... Car Marie fut remplie du Saint-Esprit, quand elle commença à avoir le Sauveur en son sein. En effet, dès qu’elle eut reçu l’Esprit Saint, créateur du corps du Seigneur, et que le Fils de Dieu eut commencé à être dans son sein, Marie aussi fut remplie de l’Esprit-Saint.
Alors Elisabeth poussa un grand cri et dit: Tu es bénie entre les femmes... Si la naissance du Sauveur n’avait pas été céleste et bienheureuse, si elle n’avait pas eu quelque chose de divin et de supérieur à l’humanité, jamais sa doctrine ne se serait répandue sur toute la terre. S’il y avait eu dans le sein de Marie un homme au lieu du Fils de Dieu, comment pourrait on expliquer, au temps du Christ comme maintenant, des guérisons de maladies de toutes sortes, non seulement physiques, mais encore morales?...
Avant Jean, Elisabeth prophétise; avant la naissance du Seigneur notre Sauveur, Marie prophétise. Et de même que le péché a commencé par une femme pour atteindre ensuite l’homme, de même le salut a débuté par des femmes, pour que les autres, oubliant la faiblesse de leur sexe, imitent la vie et la conduite des saintes, surtout de celles que l’Évangile nous décrit maintenant. Voyons donc la prophétie de la Vierge. Mon âme magnifie le Seigneur, dit-elle, et mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur. Deux principes, l’âme et l’esprit, s’acquittent d’une double louange. L’âme célèbre le Seigneur, l’esprit célèbre Dieu, non pas que la louange du Seigneur soit différente de celle de Dieu, mais parce que Dieu est aussi Seigneur et que le Seigneur est également Dieu.
On me demande comment l’âme magnifie - c’est-à-dire agrandit - le Seigneur. Car, si le Seigneur ne peut être ni augmenté ni diminué, s’il est ce qu’il est, comment Marie peut-elle dire maintenant: “Mon âme magnifie le Seigneur”? Si je considère que le Seigneur notre Sauveur est l’image du Dieu invisible (Col 1, 15), si je vois mon âme faite à l’image du créateur (Gn 1, 27), afin d’être l’image de l’image, - car mon âme n’est pas exactement l’image de Dieu, mais elle a été créée à la ressemblance de la première image -, alors voici ce que je comprendrai: à la manière de ceux dont le métier est de peindre des images et d’utiliser leur art à reproduire un seul modèle, le visage d’un roi par exemple, chacun de nous donne à son âme l’image du Christ; il en trace une image plus ou moins grande, délavée ou ternie, OU, au contraire, claire et lumineuse, ressemblant au modèle. Donc, lorsque j’aurai agrandi l’image de l’image, c’est-à-dire mon âme, lorsque je l’aurai “magnifiée” par mes actions, mes pensées et mes paroles, alors l’image de Dieu grandira et le Seigneur lui-même sera “magnifié” dans mon âme qui en est l’image. De même que le Seigneur grandit dans cette image que nous sommes de lui, de même, si nous tombons dans le péché, il diminue et décroît...
Voilà pourquoi l’âme de Marie magnifie d’abord le Seigneur et ensuite son esprit exulte en Dieu. En effet, si nous n’avons pas grandi auparavant, nous ne pouvons exulter. Parce que, ditelle, il a jeté les yeux sur l’humilité de sa servante. Quelle est cette humilité de Marie que le Seigneur a regardée? Qu’avait d’humble et de bas la mère du Sauveur qui portait en elle le Fils de Dieu? “Il a jeté les yeux sur l’humilité de sa servante”, cela veut dire à peu près: il a jeté les yeux sur la justice de sa servante, sur sa tempérance, sur sa force et sur sa sagesse. D’ailleurs, il est naturel que Dieu regarde les vertus. On me dira peut-être: Je comprends que Dieu regarde la justice et la sagesse de sa servante; mais qu’il fasse attention à son humilité, ce n’est pas évident. Celui qui cherche à comprendre doit remarquer que précisément l’humilité est désignée dans les Ecritures comme l’une des vertus. Du reste, le Sauveur déclare: Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur; et vous trouverez soulagement pour vos âmes (Mt 11, 29)...
Oui, désormais toutes les générations me diront bienheureuse. Si je comprends dans le sens le plus simple les mots “toutes les générations”, je l’interprète des croyants. Mais si je réfléchis plus profondément, je remarque qu’il vaut bien mieux ajouter: car le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses. En effet, puisque tout homme qui s’abaisse sera élevé (Le 14, 11) et que Dieu a regardé l’humilité de la bienheureuse Marie, naturellement le Tout-Puissant a fait pour elle de grandes choses.
Et sa miséricorde s’étend d’âge en âge. La miséricorde de Dieu s’étend non pas sur une, deux, trois, ni même cinq générations, mais éternellement, d’âge en âge. Pour ceux qui le craignent, il a déployé la force de son bras. Si, malgré ta faiblesse, tu approches du Seigneur dans la crainte, tu pourras entendre sa promesse en réponse à ta crainte. Quelle est cette promesse? Il se fait, dit Marie, la force de ceux qui le craignent. La force ou la puissance est une qualité royale... Si donc tu crains Dieu, il te donne sa force et sa puissance, il te donne son Royaume, afin que, soumis au Roi des rois, tu possèdes le Royaume des Cieux, dans le Christ Jésus.
Marie demeura avec Elisabeth environ trois mois, puis elle s’en retourna chez elle... S’il a suffi de la venue de Marie chez Elisabeth et de sa salutation pour que l’enfant tressaille de joie et qu’Elisabeth, remplie de l’Esprit-Saint, prophétise ce que rapporte l’Évangile, si une seule heure a apporté de si grandes transformations, il nous reste à imaginer quels progrès Jean a réalisés pendant les trois mois du séjour de Marie près d’Elisabeth. Si en un instant le petit enfant a tressailli et, pourrait-on dire, bondi de joie, et si Elisabeth a été remplie de l’Esprit Saint, il est anormal que, pendant trois mois, ni Jean, ni Elisabeth n’aient pas réalisé de progrès au voisinage de la mère du Seigneur et en la présence du Sauveur lui-même.
 


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Grégoire le Thaumaturge
Homélie 2

Lorsque paraît Marie, comblée de grâces, tout déborde de joie: alors Élisabeth poussa un grand cri et dit: “Tu es bénie entre les femmes et béni le fruit de ton sein; et comment m’est-il donné que la Mère de mon Seigneur vienne à moi?” Tu es bénie entre les femmes. Tu es le principe de leur régénération. Tu nous as ouvert le libre accès du paradis et tu as chassé nos antiques douleurs. Car Jésus-Christ, le rédempteur de notre humanité, le Sauveur de toute la nature, l’Adam spirituel qui guérit les blessures de l’homme terrestre, Jésus-Christ sort de tes flancs sacrés. Tu es bénie entre les femmes et béni le fruit de ton sein! Le jardinier de tous nos biens est devenu ton propre fruit. Quel éclat jettent à nos yeux les paroles de la femme stérile! Mais quelle splendeur plus vive encore dans les paroles de la Vierge et comme le chant de grâce qu’elle élève vers Dieu est plein de bonne odeur et de science divine! Avec les anciennes promesses, elle annonce les nouvelles, avec les paroles séculaires, elle proclame celles de la consommation des siècles et en quelques mots récapitule tout le mystère de Jésus-Christ. Marie dit alors: “Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur. Il relève Israël son Serviteur, il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos Pères en faveur d’Abraham et de sa race à jamais.” Voyez-vous comme la vierge surpasse la perfection du patriarche et confirme l’Alliance que Dieu a établie avec Abraham lorsqu’il lui a dit: “Telle sera l’Alliance entre moi et toi.” Ainsi est-il venu assurer son Alliance avec Abraham en recevant le signe de la circoncision et se faisant la plénitude de la Loi et des Prophètes. C’est le chant de cette prophétie que la sainte Mère de Dieu adresse à Dieu lorsqu’elle dit: “Le ToutPuissant fit pour moi des merveilles, saint est son nom!” En me rendant la Mère de Dieu, il préserve ma virginité. En mon sein se récapitule pour y être sanctifiée la plénitude de toutes les générations. Car il a béni tous les âges, hommes, femmes, jeunes gens, enfants, vieillards, il a déployé la force de son bras, par amour pour nous, contre la mort et contre le diable, il a déchiré la cédule de nos péchés. Il a dispersé les hommes au, cœur superbe.
“Il renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles.” Le Seigneur a renversé son peuple qui avait mal usé de ses richesses et de ses privilèges. A sa place les humbles, les peuples païens, qui étaient affamés de justice, furent exaltés. Et, en faisant paraître leur humilité et la faim qui les étreignait de connaître Dieu, en sollicitant la Parole divine comme la Cananéenne les miettes, ils ont été rassasiés des richesses que recèlent les divins mystères- Car tout le lot des faveurs divines, Jésus-Christ notre Dieu, le Fils de la Vierge, l’a distribué aux païens. “Il relève Israël son enfant.” Non un quelconque Israël, mais son enfant dont il honore la haute naissance. Voilà pourquoi la Mère de Dieu l’appelle son enfant et son héritier. Dieu trouvant ce peuple épuisé par la lettre, exténué par la Loi, l’appelle à la grâce. En donnant ce nom à Israël, il le relève: “il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos Pères en faveur d’Abraham et de sa race à jamais.” Ces quelques paroles résument tout le mystère de notre salut. Voulant sauver l’humanité et sceller l’Alliance établie avec nos Pères, Jésus-Christ alors inclina les cieux et descendit et ainsi se manifeste-t-il à nous afin que nous puissions le voir, le toucher et l’entendre parler.
 


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Ambroise de Milan, IVe siècle
Traité sur l’Evangile de Luc, 2,26-27

“Car voici qu’au moment où votre salut s’est fait entendre à mes oreilles, l’enfant a tressailli de joie dans mon sein. Et bienheureuse êtes-vous d’avoir cru !”
Vous voyez que Marie n’a pas douté, mais cru, et par là obtenu le fruit de la foi. “Bienheureuse, dit-elle, qui avez cru!”. Mais vous aussi bienheureux, qui avez entendu et cru! car toute âme qui croit, conçoit et engendre la parole de Dieu et reconnaît ses oeuvres. Qu’en tous réside l’âme de Marie pour glorifier le Seigneur; qu’en tous réside l’esprit de Marie pour exulter en Dieu. S’il n’y a corporellement qu’une Mère du Christ, par la foi le Christ est le fruit de tous : car tout âme reçoit le Verbe de Dieu, à condition que, sans tache, préservée des vices, elle garde la chasteté dans une pureté sans atteinte.
Toute âme donc qui parvient à cet état magnifie le Seigneur, comme l’âme de Marie a magnifié le Seigneur et comme son esprit a tressailli dans le Dieu Sauveur. Le Seigneur est en effet magnifié, ainsi que vous l’avez lu ailleurs: “Magnifiez le Seigneur avec moi”, (Psaumes 33,4): non que la parole humaine puisse ajouter quelque chose au Seigneur, mais parce qu’Il grandit en nous; car “le Christ est l’image de Dieu” (2 Corinthiens 4,4; Colossiens 1, 15). et, dès lors, l’âme qui fait oeuvre juste et religieuse magnifie cette image de Dieu, à la ressemblance de qui elle a été créée; dès lors aussi, en la magnifiant, elle participe en quelque sorte à sa grandeur et s’en trouve élevée: elle semble reproduire en elle cette image par les brillantes couleurs de ses bonnes oeuvres, et comme la copier par la vertu.
 


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Martin Luther
Le magnificat

Elle ne s’est glorifiée ni de sa virginité ni de son humilité, mais du seul regard de la grâce divine […]. En effet, ce n’est pas son néant qu’il faut louer, mais le regard de Dieu, de m^me que, lorsqu’un prince tend la main à un pauvre mendiant, ce n’est pas le néant du mendiant, mais la grâce et la bonté du prince qu’il faut louer […]. Les vrais humbles ne regardent pas aux suites de l0’humilité, mais ils regardent d’un cœur simple les choses viles, ils s’y adonnent volontiers et ne s’aperçoivent pas eux-mêmes qu’ils sont humbles. Dans ce cas, les attitudes viennent sans qu’ils les cherchent [...]. Car ils se sont contentés simplement de leur situation vile et ils n’ont jamais songé à l’élévation. […] La Vierge Marie a été une jeune méprisée, sans apparence et sans considération, et elle a servi Dieu dans cette situation, sans savoir que son état vil serait tellement considéré par Dieu. C’est là, pour nous, une consolation, afin que, tout en acceptant volontiers l’abaissement et le mépris, nous ne nous découragions pas comme si Dieu était en colère contre nous, mais que nous espérions plutôt qu’il est plein de grâce à notre égard.
 


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  Documents associés : 
Lieu : 
Ain Karem
Texte de l'Evangile : 
Luc 1, 39-56
Clés de Lecture : 
La visitation
Symboles : 
L’arche d’alliance
Expérience humaine : 
Le voisinage, la proximité
Accomplissement des Ecritures : 
Les promesses accomplies